Le 7 mai 2015, Rémy Lebourgeois, du GECC, photographie un grand dauphin devant les mouillages de Chausey lors d’une sortie en Kayak. Cet individu, inconnu jusqu’ici, entre dans la base de données du GECC sous le numéro N0782. Son aileron facilement reconnaissable comporte :
- des griffures à son sommet
- une décoloration blanche à sa base
- une série d’encoches très nettes sur son bord arrière
A gauche, le dauphin N0782 accompagné, à droite, du N0437, 7 mai 2015 archipel de Chausey. Photographie Rémy Lebourgeois
Le problème avec N0782, c’est qu’il ne donne pas beaucoup de nouvelles! Durant deux longues années, silence radio, jusqu’à ce fameux 27 juin 2017 où il repasse comme par magie devant l’objectif du GECC, mais sur l’archipel de Molène cette fois-ci.
Vérification faite, il s’agit bien du même individu puisque son aileron comporte les mêmes griffures à son sommet (quoiqu’un peu atténuées avec le temps), la même décoloration et les mêmes encoches. Pas de doute, N0782 est bien réapparu.
En discutant avec les agents du Parc Naturel Marin d’Iroise, le GECC apprend que ce grand dauphin est régulièrement observé sur l’archipel de Molène depuis le printemps 2017 mais qu’il reste toujours en retrait des autres individus de la population. A l’évidence, c’est un drôle de zèbre qui aime les voyages et évite de se mélanger. Et, cerise sur le gâteau, il est systématiquement vu accompagné d’un jeune, vraisemblablement son petit, et d’un autre adulte. Le drôle de zèbre serait donc UNE drôle de zèbre!
A droite, N0782 suivie de près par un jeune à l’aileron lisse, 27 juin 2017 archipel de Molène. Photographie GECC
Cette histoire prouve clairement que certains grands dauphins fréquentent plusieurs populations. De là à dire que ces populations se mélangent il n’y a qu’un pas que la rigueur scientifique interdit de franchir. En effet, rien ne prouve que la femelle N0782 appartienne véritablement à l’une de ces deux populations : peut-être n’est-elle qu’une visiteuse de passage qui se tient à distance de ses congénères. Seules des analyses génétiques permettraient de confirmer ses origines et donc de savoir à quelle population elle appartient exactement .
Enfin, à ce jour, le cas de cette femelle reste isolé : nous n’avons pas trouvé d’autres exemples qui viennent confirmer l’hypothèse selon laquelle certains grands dauphins migrent d’une population à l’autre.
Si notre drôle de zèbre n’est définitivement pas le chaînon manquant tant attendu qui viendrait nous prouver que les différentes populations sédentaires de grands dauphins se connaissent et se fréquentent dans la Manche, elle met néanmoins en évidence l’importance de la photo-identification. Sans cette méthode de suivi, N0782 serait restée totalement anonyme, tandis qu’aujourd’hui elle est connue et suivie avec une attention toute particulière. Et nous savons qu’elle est une grande voyageuse, en attendant qu’elle nous donne d’autres nouvelles…