Cet article constitue le premier chapitre de la thèse de Pauline Couet, intitulée « Suivi des populations de petits cétacés sédentaires : optimisation des méthodes de suivi des grands dauphins en mer de le Manche. Du protocole de terrain à l’analyse des indicateurs ».
Comme pour toutes les espèces longévives, la croissance et la dynamique des populations est plus sensible à des changements de la survie adulte que des paramètres de reproduction. Cependant des études récentes ont montré que le suivi de la reproduction ne peut pas être négligé chez les espèces longévives et représente une information essentielle pour bien comprendre la dynamique d’une population. Nous avons de ce fait cherché à déterminer si le suivi par photo-identification des mères et de leurs jeunes pouvait être utilisé pour estimer ces paramètres de reproduction avec des modèles de type CMR (Capture-Marquage-Recapture). Cette méthode est très rarement utilisée pour l’étude de la reproduction chez les cétacés, alors qu’elle permet de corriger les estimations des paramètres démographiques pour la détectabilité imparfaite des femelles et l’incertitude sur leur statut reproducteur lors des observations (par exemple, une femelle ayant un jeune peut être observée seule si le jeune est sous l’eau). Elle assure donc des estimations de paramètres non biaisées par ces problèmes de détection imparfaite et d’incertitude sur le statut reproducteur.
Concrètement, les données utilisées pour cette étude regroupent une centaine de femelles vues tout au long de l’année, les plus anciennes observations datant de 2004. Les résultats montrent que les probabilités de détection des femelles et de leur jeune sont inférieures à 1 et diffèrent selon les années, ce qui justifie totalement l’emploi des méthodes CMR pour l’étude de la reproduction. Les estimations des probabilités de reproduction montrent que certaines femelles se reproduisent rarement et celles qui perdent leur petit avant qu’il ait atteint 2 ans ont peu de chance de se reproduire l’année suivante. A l’inverse, les femelles ayant perdu un jeune de plus de 2 ans, ou si celui-ci a atteint 3 ans, ont une plus grande probabilité de se reproduire l’année suivante. En plus de la probabilité d’une nouvelle reproduction, le modèle permet d’obtenir des estimations de survies pour les femelles adultes (0.97) et pour les jeunes (0.66 pour les jeunes de 0 et 1 an, 0.45 pour les jeunes de 2 ans).
Ce chapitre a été publié dans le journal « Ecology and Evolution » (volume 9, issue 23) en octobre 2019, sous le titre : Joint estimation of survival and breeding probability in female dolphins and calves with uncertainty in state assignment.