Pour connaître les grands dauphins de la mer de la Manche, il convient de les suivre tout au long de l’année.
Ce suivi permet d’estimer le nombre d’individus observés, la présence de jeunes et de juvéniles dans la population, de noter les naissances et peut-être aussi les décès, d’apprécier éventuellement l’état de santé des animaux (décolorations, malformations, etc.).
Au fil des années, ces informations, patiemment récoltées et analysées, affinent notre connaissance et permettent de proposer des mesures de conservation adéquates et adaptées à ces animaux et à leur habitat.
Le matériel
Le GECC effectue des sorties en mer toute l’année. Ces sorties s’effectuent sur le bateau de l’association, un Targa 27 de 9 mètres équipé d’une cabine au départ des ports de Diélette et de Cherbourg principalement. Elles ont lieu lorsque les conditions météorologiques offrent une bonne visibilité pour observer les animaux, à savoir un ciel dégagé, sans pluie ni brouillard, et un vent faible, soit moins de 10 km/heure.
A bord, les photographies sont prises avec deux appareils différents : un reflex numérique Canon avec un objectif de 17-85mm pour prendre les animaux proches du bateau et un reflex numérique Canon équipé d’un zoom de 70-400mm pour prendre les animaux éloignés du bateau.
L’observation et tout ce qui s’y rapporte (trajet, environnement, météo) et scrupuleusement noté sur une base de données via l’application OBSenMER.
Pour en savoir plus sur OBSenMERUne fois en mer…
En mer, l’équipage est composé d’au minimum trois personnes : un pilote et deux observateurs.
Une sortie dure, en moyenne, entre quatre et huit heures, voire plus certaines belles journées d’été !
Le GECC veille à choisir des itinéraires à chaque fois différents pour quadriller au mieux la zone d’étude
En mode de prospection, le bateau se déplace à une vitesse moyenne comprise entre 10 et 15 nœuds. Les déplacements sont entrecoupés de pauses pour favoriser la recherche des animaux. La recherche des animaux s’effectue à partir de l’avant du bateau dans un angle de 180°.
Quand un groupe de grands dauphins est repéré, le bateau s’approche lentement pour s’adapter à leur vitesse tout en conservant une distance de sécurité d’environ 20 m, afin de diminuer le dérangement.
A chaque observation on estime le nombre de dauphins rencontrés et on photographie leur aileron.
Il faut savoir que chez les grands dauphins chaque aileron est unique : plus ou moins marqué, griffé et dépigmenté selon les individus, il est le seul moyen à notre disposition pour différentier les animaux entre eux. La difficulté réside toutefois dans le fait que ces marques évoluent au cours du temps.
Afin d’assurer la bonne qualité des photographies, les ailerons doivent être pris perpendiculairement au photographe. Lorsque le groupe comprend des jeunes ou des nouveau-nés, il convient, dans la mesure du possible, de les photographier en compagnie des adultes qui les entourent pour identifier éventuellement leur mère.
Le regard est souvent attiré par des dauphins très marqués mais les observateurs doivent veiller à ne pas photographier toujours les mêmes individus. Il faut donc être vigilant et favoriser les photographies sur lesquelles figurent plusieurs individus.
Quand on estime que la majorité des dauphins rencontrés ont été pris en photo, le bateau peut reprendre sa prospection.
La photo-identification
De retour sur terre débute l’analyse des photographies collectées.
La photo-identification consiste à étudier chaque cliché d’aileron pour tenter d’identifier ses marques et de déterminer ainsi à quel individu il appartient, un peu comme un jeu de Memory grandeur nature. C’est une opération longue et fastidieuse, mais essentielle pour le suivi de la population.
Pour en savoir plus sur la photo-identificationLe temps des calculs
Une fois la photo-identification achevée, il devient possible de calculer certains paramètres démographiques pour décrire le plus précisément possible la population étudiée.
Dans le contexte des grands dauphins de la mer de la Manche, les paramètres démographiques les plus courants sont :
- L’estimation de la population qui permet d’estimer chaque année le nombre d’animaux qui composent cette population.
- Le taux de survie qui donne la probabilité de revoir un individus d’une année sur l’autre.
La structure sociale, quant à elle, consiste en des calculs statistiques assez compliqués qui aident à voir les associations, ou les liens, qui existent entre les différents individus de la population et comment ces associations évoluent dans le temps. Pour faire court, la structure sociale essaie de répondre à cette question : « Dis-moi avec qui tu traînes et je te dirai qui tu es… »
La structure sociale nous dit si la population est unie ou si, au contraire, elle se trouve divisée, et certains animaux isolés. Elle permet aussi de savoir quels dauphins jouent un rôle social central au sein de la population : ceux dont le carnet d’adresse est le plus rempli et qui ont des contacts avec presque tous les dauphins de la zone ! En cas d’épidémie, une telle information sera précieuse et permettra, peut-être, de prendre des mesures plus rapides et plus efficaces.
Les paramètres démographiques et la structure sociale calculés recalculés chaque année donnent, avec le temps, une image toujours plus précise des grands dauphins de la Mer de la Manche et permettent de pointer les changements qui surviennent au sein de cette population exceptionnelle.
Pour en savoir plus consultez les rapports de suivi annuels du GECC